Un design paysan.

Il existe un dessin du paysan, de celui qui habite, celui qui use de l’usure du temps, de celui qui fait avec, pour… ou contre parfois.  Il existe, je le crois, une approche paysanne du design.  Approche souhaitable, dans le sens ou elle induit un processus de relocalisation des productions et d’effondrement des coûts énergétique par la même occasion.

Une contradiction existe cependant entre la singularité d’une situation, d’un lieu et le caractère nécessairement générique d’un objet produit par un designer, destiné à cette situation, ce lieu.

Le tiers objet est un concept-outil ; c’est la pioche du designer paysan.  Il doit permettre de trouver une issue à ce paradoxe.

Une forme intermédiaire

Sont appelés tiers-objets, l’ensemble des objets issus d’une intention humaine dont la conception et la production sont indissociées.

Hackings, détournements ou bricolages plus ou moins savants ce sont les propositions d’un habitant pour aménager son lieu de vie. Issus de pratiques vernaculaires en contradiction avec une approche standardisée, les tiers-objets définiraient un rapport juste entre l’objet et les lieux pour lequel ils sont destinés.

Dans le processus de design, le tiers-objet désigne un état préliminaire de l’objet. Prototypes, protoformes, maquettes, sont de cet ordre à ceci prêt qu’ils n’intègrent pas nécessairement la dimension localisée du tiers-objet. 

Le tiers -objet. Manifeste pour un design paysan est issu d’un travail de recherche sur la mise au point d’outils de lecture et de reconstruction du paysage rural. Il propose des modes d’exploration sensibles d’un lieu. A partir d’ un travail de collecte photographique de marqueurs du territoire répertoriés et classés dans le dictionnaire du paysage, je tente de dégager puis recréer leur principe de fonctionnement au travers de capteurs d’environnement.

Conçus à deux échelles distinctes, une qui se manipule et une qui s’embrasse, les dispositifs permettent d’identifier et d’observer l’échanges et les déplacements, faunes/fores par la création de milieux distincts. Il y a des concentrateurs d’eau, des attrapeurs de feuilles et d’humus, des radeaux à odonates, et des hotels d’araîgnés. Autant de tentatives qui sont à la fois l’occasion d’éprouver des matériaux disponibles dans un environnement immédiat et des manières d’apréhender un environnement, des lieux, des situations.

▶ Jardins autonomes, dans l’ordre d’apparition :  soleur, attrapeur,concentrateur. 2007 ⓒ Jean-Sébastien Poncet

▼ Capteurs d’environnement. 2007 ⓒ Jean-Sébastien Poncet

Issu de ce travail de recherche, le dictionnaire du paysage continue a être alimenté par une pratique de capture d’images des objets dans le paysage, qu’il soit urbain ou rural.

Il associe un nom à une chose. Il y a des noms propres. Ce sont des objets ou des lieux que je trouve remarquables d’une façon ou d’une autre puisque j’essaye de les avoir plusieurs fois. Il y a des noms communs. La différence entre un arbre et cet arbre en somme.

Outil d’une acquisition du territoire, il nourrit mon travail en espace et en espace public. Mis à jour le plus régulièrement possible, vous le trouverez à cette adresse : dictionnairedupaysage.fr

Préface

Le propos du tiers objet est une proposition, un écho à nos pratiques actuelles du design. Un plaidoyer pour une nouvelle forme de designer, localisé, sur le terrain. Un designer en contexte, c’est à dire non pas sous le coup d’un brief marketté mais d’un constat expérimenté, localisé.

JSP nous demande de faire l’expérience de ce que pourrait être une des pistes à pratiquer pour dessiner le design de demain. Il met en lumière un des enjeux du 21ieme siècle pour les designers, à savoir, se définir comme des acteurs possibles d’une réappropriation des objets, des espaces par les pratiquants/ utilisateurs/ consommateurs des projets. C’est à dire encore, de travailler, par les projets, à la qualité longitudinale de nos sociétés, de nos villes. Penser non pas le découpage mais plutôt des liens de cohérence, des conjonctions de coordination. La question est bien de remettre en cause le principe du tiers exclu qui soutient que, de deux propositions contraires, si l’une est vraie, l’autre est nécessairement fausse et qu’il n’y a pas de troisième solution possible.

Or le postulat de ce texte porte sur ce positionnement plus riche du « et /et » : deux propositions liées entre elles par une conjonction de coordination, pour des projets liés aux territoires, et à ceux voisins, qui vont participer ensemble d’une qualité longitudinale de l’espace public. Le tiers-objet est une tiers possibilité pour les designers aujourd’hui de pratiquer.

François Mangeol.