Bermudes
Une table c’est un peu comme un paysage insulaire fait d’archipels d’assiettes, de navires au port, couteaux fourchette. C’est curieux les îles combien d’écrivains et d’artistes elles emmènent, d’Utopia à Montecristo en passant par l’île au trésor. Refuges des imaginaires et des valeurs, elles sont lieux de la quête d’identité et de la transmission, un peu comme ce que Raymond Queneau appelait des petites cosmogonies portatives.
Travailler avec un matériaux précieux comme l’argent – démarrer une coopération avec l’orfêvre puis le laqueur embarqué lui aussi dans le même navire – demande d’imaginer de telles capsules ou véhicules dans lesquels se stratifient les sens.
Il existe ce que Gilles Tiberghein appelle des quasi-objets. C’est à dire des objets qui existent dans le langage mais qui n’ont aucune existence physique réelle : une construction imaginaire collective en somme. Comme un trou dans la carte, un pont mystérieux entre plusieurs dimensions, formé en trois points par les îles de l’archipel des Bermudes : le triangle. les bateaux, les avions y disparaissent. Les sentinelles spatiales y sont aveugles. On peut s’y perdre et s’y retrouver. Coucou-caché.
Des profondeurs des laques au miroitement de l’argent, Bermude retrace un destin du métal. De son origine minérale, d’une veine issue du repli de la croûte terrestre à son devenir dessiné.